Supposons qu’il faille analyser un blog éditorialement parlant, le précédent billet blog pour les auteurs n’étant qu’un premier acte.
Pourquoi CM ?
L’intention initiale était de décortiquer le blog de Jiminy Panoz, acteur à suivre de l’édition électronique en tant que producteur de fichiers électroniques, consultant pour accompagner les projets éditoriaux, auteur lui-même sur l’édition numérique (et dans la littérature fantastique, mais cela est ici hors-sujet). Malheureusement, son hébergeur a subi une attaque en règle, apparemment grave, dont les conséquences ne sont toujours pas endiguées (à ce jour, ChapalPanoz.wordpress.com est l’écran de secours). La seconde idée, également écartée, était Primento, qui se décrit comme le « partenaire numérique des éditeurs » ; commençant l’analyse, il s’est avéré qu’il ne s’agissait pas d’un blog en tant que tel (ou, plutôt, que Primento/blog est une version un peu basique, quoiqu’efficace à première consultation).
In fine, le dévolu fut jeté sur Craig Mod car il est des acteurs-références de la mutation numérique de l’édition, remplissant ce rôle parfois décrit en anglais comme Evangelist, tout en ayant participé à quelques projets éditorialement pionniers tel que Flipboard. L’intuition était que la forme de son blog était instructive pour l’exercice et, partant, nourrissante pour DigitEditLab. Je le soupçonnais avant de débuter ce travail analytique, ayant Craig Mod dans les rets de mon radar depuis quelque temps. Selon une construction à décortiquer ci-après, il joue sur un double registre : un blog dit Long-form et un autre dit Shorter-form, dont les différences et les similitudes seront à souligner.
Parce que CM
Craig Mod déborde du cadre standard, comme s’il déconstruisait / reconstruisait ce qu’est un blog : une plateforme d’auto-publication qui permet 1/ des mises en lien et 2/ une réactualisation du contenu, le tout assorti d’une clarté des méta-données assez rare. Au bénéfice de cette analyse furtive, j’ai découvert qu’il collabore avec Information Architects, l’agence helvetico-japonaise d’Oliver Reichenstein, laquelle est, selon moi, est l’une des conceptrices de site de presse les plus brillantes actuelles (Ah, le cas Die Zeit) : ceci devant expliquer cela.
Craig Mod, parfaitement conscient des outils et des usages sur lesquels il s’appuie, le formule clairement : « Satellite articles are short essays orbiting big ideas discussed on this site ». Tout est dit, ce qui peut se redire autrement :
-
/Journal : ses publications enrichies par des liens.
/Satellite : ses notes, faisant écho à ses publications pour lancer soit des ballons d’essai ex-ante, soit des fusées ex-post pour inonder le monde.
Parmi les blogs à texte, si l’on peut dire et par opposition à ceux où l’image prime, il s’agit de l’un des exemples les plus aboutis (quitté à se répéter, celui de Jiminy Panoz est encore en déshérence en ce 2013-10-28). Tel est du moins l’un des axes de réflexion-expérimention de ce site compagnon DigitEditLab (Lavoisy/Net/Edition), encore récent et qui doit s’articuler avec ma propre vitrine Lavoisy/Net. Réflexivité pour réflexivité du reste, cette présente analyse, figée à l’heure de la restitution pédagogique, pourrait être ré-éditée sur DigitEditLab, afin de poursuivre la réflexion-analyse et de contribuer au jet de miroir pour l’exercice lié à WordPress… Ce serait faire du Craig Mod en version Apprenti, mais selon un mode de moins en moins amateur : bref, l’un des volets de mon projet professionnel de mon Master ?
CM plus précisément
L’économie de l’écran consiste tout d’abord en un bandeau léger, qui ne pointe que sur les entrées les plus importantes. Dans cette furtive analyse, il ne sera question que des Essays mis en avant, mais aussi des notes qui n’apparaissent pas dans le Carousel. Il ne sera pas question des volets Conférences (Speaking) et Édition (Pre/Post). Ensuite, le déroulé ne présente que le contenu des billets, sans distraction de lecture, avec un seul petit carré de publicité du reste ciblée. Le site est clairement vertical, s’appuyant sur une colonne principale avec, selon les cas, un encadré à droite pour aider à la navigation interne au billet, donc s’appuyant sur sa structure même : 1, 2 ou 3 niveaux de style (heading1, heading2, heading3, ce que confirme l’extension Firebug du navigateur Firefox, en révélant le code). Les illustrations ne sont pas nombreuses, et directement en prise avec le contenu (sans hypertextualité, qui serait des liens masqués). Les billets commencent toujours par une image prenant la largeur totale du site.
Un billet est un contre-exemple : @font-face: The Potential of Web Typography. Comme les blogs typographiques1, la mise en place est plus complexe. En l’occurence : 3 colonnes, fontes variées. La virtuosité du code est d’autant plus avérée, car la consultation de ce billet sur un écran de moins de 7 pouces ne le destructure aucunement. Typo dis-je ? Je n’ai pas souhaité opter pour l’un ou l’autre, étant moi-même plus orienté édition que graphisme : iLoveTypography s’il n’en fallait retenir qu’un seul ; Typotheque/Blog à ne pas manquer.
La cible est toute personne s’intéressant à l’édition à l’heure électronique, qui n’est a priori pas un néophyte en matière d’édition : c’est l’expert, ou le curieux éclairé qui peut en devenir progressivement un. La maitrise courante de l’anglais est requise, car la rédaction relève indubitablement du registre écrit. Dans la vitrine d’une telle personnalité, le contenu déborde épisodiquement du cadre du thème principal : il peut être question de voyages, de photographies mais, à bien étudier ces à-côtés, tous participent à l’auto-publication de Craig Mod au delà du texte. L’on ne sait quasi-rien de sa vie privée, ce qui en ressort est le dessus de l’iceberg qui permet de percevoir qu’il est possible de le croiser au Japon et aux États-Unis, qu’il est bien nomade, etc. : cette auto-mise-en-scène n’est pas traitée dans cette analyse. (Le contraste est à noter avec le blog de Khoi Vinh, autre star-noeud-de-réseau de l’internet orientée édition, qui joue la partition d’une existence 2.0 tels que paternité, affres de fin de vie du chien, emménagement. Ce serait à analyser en tant que tel, embrayant sur une réflexivité chez Khoi Vinh comme chez Craig Mod qu’une simple page Facebook ne peut contenir. J’utilise cette seule incise pour exprimer une plus grande attirance pour le positionnement de Craig Mog, mais tel n’est pas ici le sujet.)
Il est frappant que la fréquence de publication ne soit pas frénétique, au sens d’une régularité journalière ou hebdomadaire. Sont mises en ligne des idées qui valent le coup d’être conservées. L’interactivité continue s’exprime ailleurs, sur les Réseaux sociaux (Twitter pour 22100 suiveurs, Facebook pour 1100 suiveurs). Soit : Journal (Long-form), des essais longs, de reprises de textes publiés ailleurs mais qui sont réédités (au sens de réarranger, avec des liens inédits), une langue selon le registre de l’écrit et Satellite (Shorter-form), des paragraphes plus brefs, avec une rédaction moins développée. Le ciblage, précédemment précisé, est plutôt l’expert, du moins le curieux éclairé. Et pourtant à lire ces écrans attentivement, selon le mode anglo-saxon extrêmement efficace en termes éditoriaux, dont le célèbre Pour-Les-Nuls (For Dummies) n’est qu’un avatar à succès, la lecture peut se faire avec des niveaux d’expertise très différents.
Et les liens, comme si c’était l’Alpha et l’Oméga du blog ? Il est frappant de constater que les liens ne sont qu’une brique parmi d’autres de l’approche éditoriale globale : lorsqu’il s’agit de citer des sources, de renvoyer à un autre auteur ou d’inviter à consulter des compléments. En d’autres termes, il n’y a pas cette commune liste-de-liens (blog roll) de WordPress, qui est un catalogue souvent non ordonné, voire non nécessaire éditorialement parlant.