Supposons se poser la question de diffuser ce chef d’oeuvre qu’est la Lettre sur le commerce de la librairie, de Denis Diderot.
Diderot, 1763-2013
Le contexte contemporain n’est plus celui des Lumières non pas triomphantes, mais actives. Moins de deux décennies après avoir lancé l’Encyclopédie, en 1763, Denis Diderot publiait un long texte qui est une réponse à une demande d’un magistrat. A mal situer historiquement le propos, l’on pourrait être surpris que le grand Diderot défende le système des corporations mais, foin d’anachronisme, il n’existait pas encore en France de droits d’auteur. Le libraire était en même temps éditeur et la censure pouvait interdire plus souvent qu’à son tour des parutions (qui se retrouvaient quasi-immédiatement à Amsterdam ou à Genève, comme le souligne Diderot qui plaide pour un protectionnisme baignant dans une vision mercantiliste qu’il serait hasardeux de prétendre dépassée). Le style sera lu comme ampoulé, si l’on ne savoure pas sa fluidité et sa subtilité à déminer les questions épineuses pour avancer avec doigté sur un terrain miné : de l’inutilité de la censure !
Deux cent cinquante ans plus tard, les rôles des différents acteurs de l’édition jouent dans des territoires mouvants. L’auto-édition se développe par la médiation d’Internet, ou plutôt de multiples services en ligne ; plutôt que la désintermédiation, l’heure est à la recomposition comme le souligne fort à propos l’éditeur Tim O’Reilly. L’enjeu est de savoir de quoi seront constitués ces rôles de l’édition, à collecter, sélectionner, mettre en forme, diffuser, puisque le travail de médiation est aussi nécessaire, inévitable donc, que celui d’auteur et de lecteur (du moins tant que l’écriture même existe). Le projet ReLire (le Registre des Livres Indisponibles en Réédition Électronique) porté par la Bibliothèque nationale de France, suppose une adaptation des droits d’auteur en ceci que les ouvrages tombés dans l’oubli pourraient ré-édités si les ayants-droits ne se manifestent pas, renversant en quelque sorte la charge de la preuve du droit moral.
Brochure-Pamphlet
Plutôt qu’une anthologie supplémentaire des Lumières, mettant en exergue le grand Denis à la plume polémique ou frivole, selon, il pourrait s’agir de concevoir une brochure qui ne serait pas sans écho avec les pamphlets d’Ancien Régime, rapidement imprimés par les outils courants. Dans ce cas, l’on pourrait composer comme suit : un format demi-A4, soit deux A5 en vis-à-vis ; la page de gauche pouvant servir aux commentaires et aux méta-informations tel que cette présente introduction ; à droite, sur la belle page, serait le texte de Diderot, sans aucune incise de quelque sous-titre que ce soit ; une famille de fonte qui serait pas anachronique (l’idéal serait proche de Didot, avec une variation pour les commentaires).
Le prolongement pourrait être, en toute logique actualisée, de produire également un livre électronique, un fichier .epub respectant les canons éditoriaux, en termes de métadonnées, et qui ne revendiquent aucun verrouillage, soit techniquement parlant sans DRM (DRM selon Wikipedia/FR). A suivre ?
Sources
L’on pourrait partir de l’édition électronique réalisée en septembre 2002 par Christophe Paillard, professeur agrégé de philosophie Lycée international de Ferney-Voltaire, dans le cadre de la collection Les classiques des sciences sociales (en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec) à partir du texte de Denis Diderot (1763), Lettre sur le commerce des livres, in Œuvres complètes de Diderot, Édition Assézat-Tourneux, Paris, Garnier Frères, 1875-1877.
Pour faire ses gammes avec InDesign, il pourrait être également loisible de partir de la réédition de Publie.net : acheter cette nouvelle édition (pour soutenir un excellent pionnier de l’édition), déziper l’epub (décompresser ce fichier), récupérer le texte quasi-brut marqué en XHTML (et donc ne pas réexploiter la mise en forme qui est le travail même de l’éditeur) et poursuivre avec le jeu de touches CTRL+D ou CMD+D selon la marque du piano (Windows ou Apple)…